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DE LA RECHERCHE A LA FORMATION

Nous avons créé ce blog dans l'intention de faire connaître les travaux de recherche en didactique de la géographie. Notre objectif est également de participer au renouveau de cette discipline, du point de vue de ses méthodes, de ses contenus et de ses outils. Plus globalement nous espérons que ce site permettra d'alimenter les débats et les réflexions sur l'enseignement de l'histoire-géographie, de l'école à l'université. (voir notre manifeste)

mercredi 28 février 2018

Les réseaux sociaux basés sur la photographie comme sources pour enseigner la géographie


Piganiol V., 2017, « Instagram, outil du géographe ? »  Cybergeo : European Journal of Geography, rubrique E-Topiques.
Ce texte, publié dans la rubrique E-Topiques, ouvre un questionnement qui dépasse le propos de l’auteur en lui-même : Instagram, réseau social basé sur la photographie désormais célèbre, peut-il constituer une source intéressante, pertinente et fiable pour le géographe ? L’angle d’approche originel de l’auteur est celui de l’enseignement de la géographie (en particulier dans le secondaire), mais en repartant du titre, des questionnements similaires peuvent être esquissés concernant la recherche en géographie. Auparavant, il est important de revenir rapidement sur les attributs de localisation des photographies publiées sur le réseau social et sur l’usage potentiel d’Instagram dans l’enseignement.

Texte à consulter sur le site de Cybergéo


mardi 27 février 2018

Première édition de Ludovia en Suisse

Du 27 au 29 mars 2018 aura lieu à Yverdon-les-Bains la première édition de Ludovia Suisse. Dans ces grands principes cette première édition reprendra les éléments qui ont fait le succès de Ludovia en France. On trouvera ainsi des ateliers (Explorcamps & Fabcamp), des conférences, des tables rondes, un Fablab et un colloque scientifique. Désormais, il est possible de s’inscrire en ligne.

En partenariat avec Ludovia France, la Haute Ecole Pédagogique du canton de Vaud et la Haute Ecole d’Ingénierie et de Gestion du canton de Vaud ont réuni leurs forces pour réaliser cette première édition de Ludovia Suisse. Le thème de cette première édition est « Émanciper l’école et la société avec le numérique ? ».

Cette première édition de LUDOVIA#CH pose la question du rôle que l’école peut jouer pour l’encapacitation (empowerment) et l’émancipation des jeunes qu’elle accueille. Il est question de favoriser l’introduction du numérique à l’école mais pour quelles visées ? Quels savoirs transmettre ? Quelles compétences développer ? Selon quelles modalités ? Pour quelle société demain ?

Venir à LUDOVIA#CH , c’est écouter, pêcher des idées, découvrir ce qui se fait ailleurs… ; mais, il s’agit aussi de venir aussi pour échanger, partager (avec un grand P) et réfléchir.

Le programme complet : http://ludovia.ch/programme/

Pour s’inscrire (uniquement en ligne) : https://www.conftool.com/hepvd-ludovia/

vendredi 16 février 2018

Congrès de la Commission de l’éducation géographique de l’UGI 2018

Université Laval (Québec) - 3-5 août 2018

Les chercheurs et praticiens en didactique de la géographie de partout dans le monde sont invités à participer au Congrès de la Commission de l’éducation géographique de l’Union géographique internationale qui se tiendra à Québec du 3 au 5 août 2018.

L’édition 2018 du Congrès de la commission de l’éducation sera une occasion unique d’échanges entre les différents intervenants qui s’intéressent à l’enseignement et à l’apprentissage de la géographie. Le thème central de la conférence, Apprécier nos similarités : partager nos compréhensions, permettra de réfléchir collectivement aux enjeux communs qui nous interpellent dans nos divers contextes de pratique. Nous invitons les chercheurs et les praticiens intéressés par les différents thèmes liés à l’éducation géographique, notamment les programmes, la didactique, l’évaluation des apprentissages et la formation des enseignants, à soumettre une communication.

Consulter le site du colloque et l’appel à communication (date limite de soumission : 15 mars 2018) :
https://cge-cag2018.ca/


jeudi 15 février 2018

Une géographie à l’école par la pratique artistique

Par Sophie Gaujal - février 2018 M@ppemonde. Prix de thèse 2017.


Le 18 avril 2013 à 9h50, 35 élèves de classe de Première Économique et Sociale tentaient de rendre leur cour de récréation, délaissée au profit du parvis, à sa fonction première, celle d’une cour accueillant les élèves pendant la récréation. Le temps d’une récréation donc, ils se sont employés à rendre visible un lieu invisible, à faire d’une périphérie un centre, à « inverser les périphéries ». Au moyen d’une performance, mobilisant un dispositif sonore et chorégraphique, ils ont ainsi poussé la communauté éducative du lycée à s’interroger sur ses usages de l’espace, voire à les transformer. De cette performance, aboutissement d’une enquête sur leur espace proche menée par la classe en cours de géographie tout au long de l’année, il reste peu de traces. L’invitation qui sera présentée ici est l’une d’entre elles. La thèse qui l’a motivée et dont elle est l’un des résultats, également.

Le constat de ce paradoxe a été le point de départ d’un questionnement géographique, permettant de manipuler avec les élèves différentes notions (marge, périphérie, centre, flux, usages, fonctions, habiter), concepts (différenciation voire discontinuité spatiale), méthodologies (enquêtes quantitatives et qualitatives), et écritures pour formaliser leur analyse (schémas, croquis, photographies). D’espace jusque-là transparent, presque invisible, la cour de récréation a acquis, au terme de cette enquête, un nouveau statut, celui d’un espace marginal.

Sophie Gaujal est membre d’un groupe de recherche en didactique de la géographie sur le raisonnement en géographie, elle poursuit ses recherches en direction d’une géographie expérientielle. 

En 2016-2017, à nouveau, la cour de récréation a servi de terrain d’investigation, pour étudier cette fois les dynamiques de cet espace. Jusque-là marge, le plan Vigipirate, qui interdit les rassemblements devant les établissements scolaires, en a fait un nouveau centre. L’autorisation pendant un temps d’y fumer et l’installation d’un Algeco au centre de la cour pour accueillir de nouvelles classes ont alors eu raison des réticences des élèves. Une carte sensible, produite ci-dessus, est venue matérialiser les conclusions de cette enquête.

Lire l'intégralité de l'article sur M@ppemonde 

Référence :
Gaujal S. (2016). Une géographie à l’école par la pratique artistique. Thèse de doctorat de géographie, Paris 7, dir. C. Grataloup. Prix de thèse 2017.

Mettre l’expérience extrascolaire en lien avec la pratique scolaire

Entretien avec Michel Lussault dans le n° 191 de la revue Diversité (janvier - avril 2018)


Interrogé sur la notion de "territoire apprenant", Michel Lussault inscrit tout d'abord sa réflexion dans le cadre assez large des interactions entre environnement et acteur. S'agissant des acteurs scolaires, il en vient à interroger les expériences spatiales des enseignants et des élèves. Pour lui, il convient de s’intéresser à la mise en tension de l’expérience scolaire et de l’expérience extrascolaire, en tant qu’elle est constitutive de « quelque chose » qu’on pourrait appeler des compétences de spatialité, qui elles-mêmes participent de ce qu’on pourrait appeler un « capital spatial », qui lui-même s’intègre dans un « capital sociétal »... et ce « quelque chose » pourrait être objectivé en termes d’apprentissage.  Cette mise en tension de toutes les expériences spatiales, qu’elles se déroulent au dehors ou à l’intérieur de l’espace scolaire, est un moyen pour créer des moments d’apprentissage.

Et l'auteur de formuler une proposition intéressante qui ne manquera pas de faire débat :
"Je trouve qu’intégrer la géographie comme majeure pour tous les futurs enseignants, dans les ÉSPÉ, serait une proposition très stimulante : non seulement comme « discipline » à enseigner, mais aussi et surtout comme « matière à penser »...Cela pousserait le géographe à dire à tout intervenant du processus d’apprentissage : « Si l’espace est apprenant, vous ne pouvez pas le traiter simplement comme un réceptacle, comme un simple cadre neutre qu’on envisage au mieux sous l’angle du confort. Vous devez aussi le traiter comme une ressource."

Interview disponible sur le site du réseau Canopé - Revue Diversité n°191 (janvier-avril 2018)


samedi 10 février 2018

Le jeu en contexte scolaire : un outil au service du renouveau didactique de la géographie ?

Frédérique Jacob et Emilie Servais, « Le jeu en contexte scolaire : un outil au service du renouveau didactique de la géographie ? », Sciences du jeu, 8 | 2017
http://journals.openedition.org/sdj/880

Jouer en cours de géographie n'est plus à proprement parler une innovation. Le jeu des villes de Grataloup, édité en 1989, a bientôt trente ans ! Ce faisant, les jeux offrent un champ des possibles tout à fait recevable, répondant aux objectifs actuels des programmes et des recherches. Ils pourraient avoir une place importante (en aucun cas exclusive) pour redonner du sens à l'enseignement de la géographie. Ainsi, de connaissances apprises (et vite oubliées) à des savoirs construits par les élèves, des notions manipulées, le jeu a toute sa place dans l’enseignement de la géographie. A partir des jeux du site réseau Ludus , cadre d'un premier état des lieux amené à être enrichi, cet article propose une analyse critique des objectifs d'enseignement. Par le truchement d'une grille d'analyse, il repère de premières tendances afin d'initier une réflexion de ce que les jeux pourraient offrir en matière de renouvellement de l'enseignement de la géographie, notamment pour penser la compréhension des enjeux spatiaux.

Lire également l'article introductif de ce numéro de la revue Science du Jeu où les auteurs proposent un schéma intéressant "Le jeu dans tous ses espaces" :

Hovig Ter Minassian, Samuel Rufat et Manouk Borzakian, « Le jeu dans tous ses espaces », Sciences du jeu, 8 | 2017
http://journals.openedition.org/sdj/822



dimanche 4 février 2018

Enseigner la géographie à l’université : état des lieux, expérimentations


Compte rendu du séminaire : Enseigner la géographie à l’université : état des lieux, expérimentations

Organisé à Tours par Hovig Ter Minassian


Les attentes sociétales et politiques envers l’université sont élevées tant en termes de réussite des étudiants que d’insertion professionnelle, ce qui génère un questionnement pédagogique et didactique dont la communauté des géographes s’est récemment saisie.

L’émergence d’une réflexion collective


L’intervention de Jean Gardin (Paris 1) qui a dirigé avec Marie Morelle (Paris 1) et Fabrice Ripoll (Paris-Est), un numéro des Carnets de Géographes sur le thème, met en évidence la difficulté de publier un numéro d’une revue scientifique dédié à l’enseignement de la géographie à l’université. Cette difficulté est plurielle. Tout d’abord, c’est celle du positionnement d’un discours qui ne relève ni du syndicalisme ou du politique, ni de la sociologie étudiante mais se situe dans un entre-deux. Ensuite, peu de chercheurs en géographie travaillent en didactique d’une part, et sur l’enseignement supérieur d’autre part. Cela pose la question de la légitimité à publier des textes qui relèvent de la pratique réflexive dans une revue peer-reviewed. Cela questionne aussi les lieux d’échanges et de débats possibles autour des questions d’enseignement de la géographie à l’université. Il existe les Feuilles de géographie, journal récemment relancé en ligne, qui publie des textes en lien avec l’enseignement (support de cours, réflexion autour d’une difficulté pédagogique etc.).

Le statut des textes de pratique réflexive soulève en creux la question de la reconnaissance par la communauté des géographes, des activités d’enseignement et de l’investissement nécessaire à leur création et leur amélioration continue. A ce sujet, l’interview d’Hervé Régnauld, ancien président du CNU 23, dans les Carnets de géographe fait réfléchir : aucune reconnaissance par le CNU.

L’intervention de Jean Gardin met en évidence un autre paradoxe. Alors que les besoins semblent plus importants en licence et que l’appel à communication visait de manière privilégiée ce niveau, la majorité des contributions soumises à l’évaluation portait sur le niveau master. La contribution de Caroline Leininger-Frézal montre par ailleurs qu’il y a beaucoup d’idées reçues sur la réussite en licence.

Réussir en licence de géographie


Caroline Leininger-Frézal a présenté les résultats d’un projet de recherche-action mené en histoire et en géographie à l’université Paris Diderot dans le cadre de l’Idex Sorbonne Paris Cité. Ce projet mobilisait huit enseignants-chercheurs (Sandrine Berroir, François Bétard, Clélia Bilodeau, Anne-Emmanuelle Demartini, Nicolas, Douay, Malika Madelin, Aurélia Michel) et quatre enseignantes du secondaire (Marie-Agnès Monteil, Natacha Milkof, Karine Luzaic, Karine Salomé). Le projet était structuré autour de deux hypothèses :

• Il existe des ruptures implicites, mal identifiées, entre la terminale et la L1.

• Ces ruptures sont sources de difficultés pour les étudiants et donc facteurs d’échecs.

Les entretiens menés auprès d’enseignants-chercheurs (EC) et des étudiants en géographie à l’université Paris Diderot mettent en évidence la méconnaissance des programmes du secondaire par les enseignants-chercheurs. La L1 est pensée comme une tabula rasa. Ce qui semble s’inscrire dans la continuité lycée/université, est source de malentendus entre les EC et les étudiants. Les étudiants ont l’impression de maitriser la dissertation et l’analyse de documents alors que les attendus en terme de problématisation, de réflexion et de contenus sont différents. De la même manière, les étudiants ne perçoivent pas le saut conceptuel entre le lycée et l’université et ne comprennent pas la nécessité de lire. En revanche, ils se rendent compte de leurs difficultés dans l’organisation de leur travail et en mathématiques.

A l’inverse des EC, les étudiants perçoivent positivement la rupture entre le lycée et l’université qu’ils associent à la liberté de choisir leur UE, de s’organiser ainsi qu'à un enrichissement de la géographie. Ils disent en effet découvrir la cartographie, les SIG et la géographie physique. Alors que les EC voudraient renforcer l’encadrement et l’accompagnement des étudiants, ces derniers aspirent à la liberté. Finalement, les ruptures entre le lycée et l’université en géographie (et en histoire) sont de natures différentes que celles présupposées.

Cette présentation a soulevé le débat des attentes des EC envers leurs étudiants. Une partie des difficultés identifiées (absence d’esprit critique, d’autonomie, de lecture) pourrait être pensée en termes d’objectifs d’apprentissage. Finalement, ce qui est reproché aux étudiants c’est de ne pas avoir (pas encore) les qualités et savoir-faire d’un chercheur.

Penser l’enseignement supérieur par le prisme disciplinaire permet de questionner les contenus enseignés. Jean-François Thémines a montré dans sa communication combien la discipline a un impact sur l’identité professionnelle des enseignants stagiaires.

La discipline, facteur de professionnalisation


Jean-François Thémines (ESPE de Caen) questionne où en sont les enseignants stagiaires de master 2 MEEF (métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation) avec la géographie. Ces étudiants ont la particularité d’être massivement historiens de formation et de ne pas avoir toujours choisi l’enseignement. C’est leur goût pour l’histoire qui les conduit à envisager ce métier. L’enjeu du master MEEF est de leur permettre de devenir des professionnels de l’enseignement. Jean-François Thémines cherche à identifier l’impact de disciplines, histoire et géographie, dans la construction de la professionnalité des enseignants stagiaires.

A partir de l’analyse des lettres de motivations des étudiants candidatant au master MEEF parcours histoire-géographie de Caen et des porte-folios produits dans le cadre du M2, il parvient à démontrer que les étudiants stagiaires entretiennent un rapport privé à l’histoire qui structure leur parcours de formation. Un étudiant a par exemple structuré son porte-folio de manière chronologique, un autre archéologue de formation, l’a intitulé « archéologie de ma pratique ». Pour la géographie, l’enjeu pour les étudiants stagiaires, est de se penser capable d’enseigner une géographe « acceptable ». Alors, la géographie devient un moyen d'explorer, d’inventer de nouvelles pratiques d’enseignement. C’est une ressource professionnelle. Cela peut aussi devenir un outil d’analyse de leur propre parcours professionnel.

L’intervention de Jean-François Thémines met en évidence l’impact de la discipline de formation sur la professionnalité des enseignants débutants. Ces recherches ouvrent un champ de questionnement pour les autres formations professionnelles portées par les géographes. En quoi la géographie participe à la professionnalité des étudiants en master pro d’aménagement, d’urbanisme, d’environnement, de géomarketing etc. ? Il y a derrière cette question, celle de la légitimité de la discipline à former des professionnels et de la visibilité de ces débouchés auprès d’un large public.

Ce séminaire a permis de revenir sur les pratiques d’enseignement en tant qu’objet de recherche mais aussi en tant qu’objet de pratiques réflexives.

Enseigner la géographie par des démarches innovantes


Sébastien Leroux (Grenoble) et Pierre-Olivier Garcia (Grenoble) assurent un cours de géographie culturelle en licence à partir d’une série télévisuelle « The wire ». « The wire » est une série policière underground sur Baltimore qui s’inscrit dans la tradition des policiers américains. Baltimore constitue un personnage à part entière.


La série télévisuelle est pensée comme un cheval de Troie pour acquérir des connaissances sur la géographie culturelle. C’est aussi un levier pour acquérir les codes de l’écriture scientifique et un moyen de légitimer le cours et son contenu vis-à-vis des étudiants. Ces derniers doivent en effet écrire un livre à l’issue du cours sur la série dans la perspective de la géographie culturelle.

Sébastien Leroux et Pierre-Olivier Garcia soulignent la qualité des productions des étudiants et leur motivation. Le cours s’inscrit aujourd’hui dans la durée. Néanmoins, la mise en place d’un tel cours ne va pas sans quelques difficultés. Tout d’abord, cela remet en cause le rôle traditionnel de l’enseignant, détenteur des savoirs. Dans le cadre de ce cours, Sébastien Leroux et Pierre-Olivier Garcia ont adopté la posture du « maitre ignorant » (Rancière, 1987). Cette posture tout comme l’objet d’étude ont soulevé des réticences au sein de l’équipe enseignante. Ensuite, ces EC ont basé leur démarche sur leurs représentations des pratiques culturelles des étudiants. Or il y avait un décalage entre ces représentations et les pratiques réelles des étudiants. En effet, les étudiants ne connaissaient pas la série « The Wire ». Ils ne visionnaient pas les séries en VO. Ces difficultés n’ont pas empêché les enseignants d’atteindre leurs objectifs.

Comme Sébastien Leroux et Pierre-Olivier Garcia, Nicolas Becu (La Rochelle) a proposé d’enseigner la géographie par une démarche innovante dans le cadre d’un cours sur les SIG (système d’information géographique) et les SMA (système multi-agent) du master Bioterre (Paris 1). Initialement, le cours était très théorique : les théories et les notions à acquérir étaient nombreuses, ce qui pouvait mettre les étudiants en difficulté. La démarche du cours a été redéfinie en mettant en place un jeu de rôle basé sur le modèle ARDI. L’objectif est d’apprendre à analyser les interactions dans un système à travers un jeu de rôle construit comme un SMA. Ce sont les étudiants qui produisent le jeu de rôle à partir d’une sortie de terrain.

Dans une perspective comparable, Régis Keerle a présenté son enseignement en IUT Carrières sociales option animation sociale et socioculturelle de Rennes. La géographie n’est pas à proprement parler au programme pédagogique national Carrières sociales (option animation) mais la notion de territoire y figure, c’est une porte d’entrée vers la géographie. Comment former des non géographes aux outils de la géographe notamment via le diagnostic territorial, pour que ces outils deviennent des ressources pour comprendre et analyser leur contexte professionnel ? Pour intéresser ce public souvent engagé, ne faut-il pas repolitiser le territoire ? C’est un parti pris par Régis Keerle dans une perspective à la fois critique et libérale. Ce cours s’appuie en autres, sur les théories de Debarbieux (2009) (registres imaginaires de la territorialité et type de spatialité) et d’Anne Gilbert (1985) (les idéologies spatiales ) pour permettre aux futurs animateurs d’acquérir une analyse distanciée des discours sur le territoire et des usages de l’espace dans différents contextes. Pour ce faire, Régis Keerle mobilise différents supports journalistiques, artistiques (BD, extrait d’émission radio etc.) et cartographiques (synthétiques, analytiques, mentales) que les étudiants sont amenés à analyser. Susciter l’intérêt des étudiants pour la géographie passe aussi par des dispositifs ludiques impromptus comme le « What’up doc ? », qui vise à mesurer le « succès » d’un document auprès des étudiants à l’applaudimètre, ou bien la « minute spatiale de l’animateur » qui est une courte analyse (moins de 888 signes) d’une expérience susceptible d’intéresser l’animateur ou l’animation.

Les trois démarches présentées ont en commun de tenter de mettre en adéquation le processus d’apprentissage et l’objet d’étude. La journée a été l’occasion de faire connaitre des pratiques innovantes qui ne sont pas propres à la géographie. Il s’agit d’un dispositif qui pourrait être repris dans d’autres disciplines.

Faire cours autrement


Myriam Houssay-Holzschuch a mis en place des cours magistraux interactifs dans le cadre d’un cours d’introduction à la géographie en L1 semestre 1. Elle utilise pour ce faire la méthode « Think/Write/Pair/Share ». Cette méthode consiste à mettre les étudiants en réflexion face à une question précise pendant 3 minutes, à leur demander de partager leurs réflexions avec leur(s) voisin(s) pendant 3 minutes puis de discuter ensuite collectivement. L’ensemble du processus prend 15 à 20 minutes. Le temps d’institutionnalisation (3ème temps) est essentiel, c’est celui où se mettent en place les notions à acquérir. Ce dispositif est utilisé environ deux fois par cours autour des concepts à apprendre. Il est destiné à construire une relation pédagogique enseignant/étudiant basée sur l’interconnaissance et valorisant les étudiants. Cela implique des séances longues. Ce dispositif, comme la démarche de Sébastien Leroux et Pierre-Olivier Garcia, remet en cause le modèle traditionnel du cours magistral qui repose sur une pédagogie transmissive et une posture de l’enseignant, détenteur du savoir.

Conclusion


L’ensemble de la journée met en évidence la richesse des expérimentations et des réflexions menées dans différents contextes de formation pour améliorer la manière dont est enseignée la géographie. Est-ce une réponse à des injonctions des autorités de tutelles ? Ou bien, une nécessité face à l’arrivée de nouveaux publics à l’université ? Ou bien encore, un marqueur disciplinaire ? Si les deux premiers facteurs sont probables. Le troisième l’est moins. D’une part, d’autres communautés disciplinaires se sont mobilisées avant les géographes, comme les physiciens, pour échanger sur les pratiques d’enseignement à l’université. D’autre part, alors que les géographes étaient collectivement impliqués dans les années 1980 et 1990 dans une réflexion didactique – en témoigne le nombre d’articles publiés alors -, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Pourtant, un des points communs à la majorité des présentations, c’est bien leur nature didactique. Il s’agit bien de réfléchir à l’enseignement et à l’apprentissage de savoirs et de savoir-faire géographiques, propres à notre discipline. De la découle la non adéquation entre les formations de pédagogie universitaire souvent proposées dans nos universités et des questionnements formulées par les EC souvent centrés sur les contenus disciplinaires. Alors que les services de formation universitaire se développent, paradoxalement, il n’existe pas ou peu de lieu pour partager sur des pratiques disciplinaires d’enseignement. C’est ce qui a conduit Myriam Houssay-Holzschuch et l’équipe pédagogique de Grenoble à proposer la mise en place d’une Biennale sur l’enseignement de la géographe à l’université dans la lignée du séminaire organisé à Tours.